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Maladie de Lapeyronie

Dernière mise à jour : 23 mars 2023


Maladie de La Peyronie : une maladie invalidante pour les hommes sexuellement actifs

La maladie de La Peyronie est une condition acquise caractérisée par des plaques fibreuses entre l’albuginée et les corps caverneux. Les plaques sont considérées comme étant responsables des symptômes principaux : la douleur et la déformation du pénis. Même si plusieurs facteurs de risque et associations avec d’autres maladies sont connus, l’étiologie reste incertaine. Les hypothèses les plus répandues sont des microtraumatismes et des processus inflammatoires ou ischémiques. A ce jour, toutes les formes de traitement se basent sur les symptômes et les preuves de leur efficacité demeurent difficiles à établir. Etant donné que le succès d’un traitement conservateur est souvent limité, en particulier en cas de déviation grave, la chirurgie est souvent indispensable.

Introduction La maladie de La Peyronie ou sclérose des corps caverneux est une fibrose, acquise ou évoluant par poussée, localisée entre l’albuginée et les corps caverneux. La fibrose est constituée de plaques contenant du collagène désorganisé ainsi que des fibrilles élastiques fragmentées. Ces plaques sont à l’origine des principaux symptômes : déviation du pénis, érection douloureuse.1 La première description clinique datant de 1743 provient de La Peyronie, chirurgien français, raison pour laquelle nous parlons de «Peyronie’s disease» dans les pays anglo-saxons et de «maladie de La Peyronie» dans les pays francophones.2 Les hommes touchés sont âgés de 45 à 65 ans, avec un pic à 53 ans. Alors que des estimations prudentes parlent d’une incidence de 1%, de nouvelles études mentionnent une incidence de plus de 5%.3 Dans certaines études sur des cadavres, une incidence de 20% était même décrite. Il s’agissait cependant, dans la majorité des cas, de porteurs de plaques asymptomatiques.4 Le diagnostic différentiel de la sclérose des corps caverneux se limite aux déviations péniennes congénitales sans formation de plaques (figure 1).


Symptômes et évolution naturelle de la maladie

Initialement, on décrit le plus souvent un durcissement dans la région du corps caverneux évoluant de manière directe ou différée en une déviation pénienne. La direction ainsi que le genre de déviation sont déterminés par la localisation et la qualité des plaques. Les déviations dorsales surviennent le plus souvent en présence de plaques dorsales. Les déviations latérales ou ventrales restent rares. D’autres déformations ont été décrites, comme un raccourcissement, une incurvation ou un rétrécissement (phénomène du sablier) du pénis. Lors de la phase initiale, les patients présentent des douleurs lors de l’érection mais celles-ci peuvent également survenir au repos. La combinaison des douleurs et de la déviation gênent énormément les rapports sexuels et peuvent les rendre impossibles.5

La phase active de l’inflammation est suivie d’une transformation fibreuse des plaques et, dans 20% des cas, des calcifications peuvent se former. Après douze à dix-huit mois, ce processus est terminé et la maladie se stabilise. On décrit alors le plus souvent une diminution des douleurs ainsi qu’une stabilisation de la déviation.6 Dans 30% des cas, on observe une rémission spontanée de la maladie. 30% des patients se plaignent secondairement d’une dysfonction érectile croissante, dont l’expression peut être plus ou moins importante. D’un côté, cette pathologie est décrite comme étant une évolution naturelle, de l’autre, des études ont démontré une réduction du débit artériel ainsi qu’une anomalie dans la régulation du système veino-occlusif. On comprend aisément, au vu de ces symptômes, l’existence d’une grande souffrance chez les hommes sexuellement actifs, accompagnée d’une diminution de la qualité de vie.1,6

Pathophysiologie, étiologie, facteurs de risque

La maladie de La Peyronie, ou sclérose du corps caverneux, fait partie des fibromatoses localisées, dont l’étiologie exacte est mal connue. Jusqu’alors, on connaissait le processus inflammatoire local au début de la maladie, accompagné d’une infiltration de mastocytes et plus tardivement d’une prolifération de fibroblastes. On sait maintenant que ce processus est suivi d’un remaniement local du collagène avec une formation prédominante de collagène type III, moins élastique.7 En raison de la diminution de l’élasticité ainsi que d’une tendance à la rétraction tissulaire, on observe premièrement une déviation, puis d’autres symptômes de la maladie tels que des douleurs ou différents types de déformation et de raccourcissement du pénis. Bien que le processus inflammatoire soit bien connu, on ne sait toujours pas quel en est le phénomène déclencheur. L’hypothèse la plus répandue à ce sujet explique ce phénomène par des microtraumatismes répétés lors des rapports sexuels chez les hommes d’âge moyen, consécutifs à la perte de l’élasticité du corps caverneux. Ces microtraumatismes peuvent être à l’origine de réactions inflammatoires locales.8 D’autres théories considèrent qu’une étiologie ischémique, auto-immune ou infectieuse, peut induire une réaction inflammatoire. A côté de ces facteurs déclenchants, on parle également de modifications génétiques ou acquises du métabolisme, en particulier du métabolisme du collagène, comme d’un facteur favorisant.9 A ce sujet, on évoque principalement une association de cette maladie avec la maladie de Dupuytren, le diabète, l’hyperuricémie ou encore l’hypercholestérolémie. On associe également l’augmentation de l’incidence de la maladie à la consommation de nicotine ou de médicaments, comme par exemple les bêtabloquants (figures 2 et 3).





Traitement

Etant donné qu’aucun consensus n’a été établi à propos de l’étiologie et des mécanismes physiopathologiques, le traitement reste symptomatique. Ainsi, ce dernier doit être adapté à l’évolution naturelle de la maladie. Bien que l’évolution de celle-ci ne soit pas prévisible, la littérature rapporte cependant une rémission spontanée chez 30% des patients jeunes avec de petites plaques non calcifiées. Les options thérapeutiques comprennent non seulement les traitements médicamenteux oraux ou topiques, mais également des traitements physiques ou chirurgicaux.10

Traitement médicamenteux oraux

De nombreuses substances ont été essayées pour traiter la maladie de La Peyronie, dont la majorité n’a pas démontré un effet supérieur au placebo. Les substances les plus couramment utilisées sont les suivantes.11,12

Para-aminobenzoate du calcium (potaba)

Le potaba est utilisé dans de nombreuses collagénoses : par exemple la sclérodermie ou la dermatomyosite. Son effet antifibreux réside dans l’augmentation de l’oxygénation tissulaire, l’activation de la monoamine oxydase ainsi que de la réduction de la concentration de sérotonine sanguine. Son effet sur la réduction de la plaque a pu être démontré par une étude en double aveugle contrôlée par placebo sur un collectif de 103 patients.13 Le médicament s’administre sous forme de poudre à raison de 4 x 3 g/jour, ou en comprimés au dosage de 4 x 6 comprimés de 500 mg/ jour. La durée minimale du traitement doit être de trois mois. Cependant, les effets secondaires gastro-intestinaux ainsi que les coûts du médicament conduisent souvent à un arrêt prématuré du traitement.

Vitamine E

La vitamine E est mieux supportée et meilleur marché. Son utilisation pour traiter la maladie de La Peyronie est dès lors répandue. C’est son action anti-inflammatoire (effet antioxydant et chélateur de radicaux libres) qui lui confèrerait un effet bénéfique sur l’évolution de la maladie. Une dose de 3 x 200 mg/jour est habituellement prescrite. Cependant, son effet thérapeutique dans la maladie reste controversé. En effet, les études en double aveugle et contrôlées par placebo n’ont pas permis de démontrer une supériorité thérapeutique de la vitamine E.11

Traitement médicamenteux topiques

Traitement intralésionnel et ionophorèse

La thérapie intralésionnelle consiste en l’injection de médicaments directement à l’emplacement de la plaque. Ce procédé garantit une grande concentration du principe actif localement et permet de réduire les effets secondaires systémiques. Les produits utilisés sont le vérapamil, l’interféron alpha et les glucocorticoïdes.11,14 L’inconvénient de cette technique est la formation de cicatrices dues aux injections, susceptibles de compliquer une prise en charge chirurgicale future. La ionophorèse évite ce désavantage et permet, suite à l’application d’un courant électrique, une bonne pénétration transdermique des substances comme le vérapamil, les glucocorticoïdes, la lidocaïne, ainsi que d’autres substances anti-inflammatoires. Bien que des études aient prouvé l’efficacité de ce traitement, la controverse concernant son mécanisme thérapeutique demeure.15

Thérapie par ondes de choc

Cette technique consiste en l’application de chocs de basse énergie (0,15-0,25 mJ/mm2) à l’endroit de l’induration pénienne. Celle-ci a été reprise de l’orthopédie où ce procédé est utilisé depuis les années 80 avec un effet bénéfique sur les tendinopathies calcifiantes ou les douleurs ostéophytiques. L’hypothèse du mécanisme thérapeutique s’explique d’un côté, par une augmentation de la régénération tissulaire en raison d’une augmentation de la vascularisation et de l’autre, par une modification des nocicepteurs. Une étude contrôlée par placebo a démontré une baisse significative de la douleur lors de l’utilisation de cette technique dans la maladie de La Peyronie.16 Cependant, une réduction de l’angle de déviation n’a pas pu être obtenue à ce jour.17

Traitement chirurgical

L’indication opératoire doit être soigneusement posée en raison du risque de complications et d’effets indésirables. Etant donné qu’il ne s’agit pas d’un traitement causal, la chirurgie devrait être réservée aux phases stables de la maladie, soit au plus tôt un an après le début de la maladie et en présence de lésions stables depuis trois à six mois. Les indications claires pour un traitement chirurgical sont les déviations sévères handicapantes rendant les rapports sexuels très limités, voire impossibles.

Les risques et les conséquences éventuels d’une prise en charge chirurgicale sont les suivants : raccourcissement du pénis, correction incomplète, dysfonction érectile, trouble de la sensibilité pénienne avec perturbation de l’orgasme et récidive (jusqu’à 10% des cas).10,18

Il existe trois méthodes de correction chirurgicale.

Correction de la courbure (techniques de Schoeder-Essed et de Nesbit)

Le principe consiste en un raccourcissement de la partie convexe (plus longue) des corps caverneux, soit selon la technique de Schroeder-Essed par une plicature de l’albuginée au moyen de points inversés,19 soit selon la technique de Nesbit en faisant des incisions ellipsoïdes dans les corps caverneux du côté opposé à la courbure.20 L’inconvénient de ces méthodes est un raccourcissement du pénis. Hormis ces inconvénients, il s’agit de méthodes simples et peu invasives.

Résection ou incision des plaques

Cette méthode consiste à enlever la plaque du côté de la partie concave (plus courte) du corps caverneux et à la remplacer par un greffon. De manière idéale, cet allongement rétablit une rectitude des corps caverneux. Comme greffon, on peut utiliser une greffe autologue (patch veineux, lambeau dermique, albuginée), une greffe hétérologue (Goretex, rembourrage de collagène, sous-muqueuse grêle).21 L’avantage de cette méthode est le faible risque de raccourcissement pénien. Cependant, cette technique est plus invasive du fait de la nécessité de disséquer les vaisseaux et les nerfs dorsaux pour la mobilisation.

Les conditions préalables à une telle intervention sont une fonction érectile intacte, fonction qui peut être altérée suite à l’opération. En cas de troubles érectiles préopératoires, il faudrait envisager l’implantation d’une prothèse pénienne.

Implantation d’une prothèse pénienne avec correction opératoire d’une déviation pénienne

Cette technique repose sur l’extraction des deux corps caverneux après ouverture de leur loge. Cette méthode peut être difficile en présence de plaques importantes. Une correction de la courbure est nécessaire car les implants prothétiques ne sont souvent pas suffisants pour rétablir la rectitude. Les implants peuvent être semi-rigides ou gonflables, bénéficiant d’une pompe pour l’insufflation et l’exsufflation de la prothèse pénienne.22


Synthèse et conclusion

La maladie de La Peyronie a d’importantes répercussions sur la qualité de vie des patients qui en sont atteints, du fait de l’importante limitation de la sexualité.

Du point de vue de la pathophysiologie, on note une fibrose des corps caverneux dont les mécanismes exacts n’ont pas encore été élucidés. Les outils thérapeutiques consistent en des traitements oraux ou locaux, mais aussi physiques, avec des résultats limités. Le manque d’études concernant l’efficacité des traitements s’explique par la faible incidence de la maladie et par sa tendance à la rémission spontanée. Dans les situations invalidantes, une prise en charge chirurgicale est possible. Elle repose sur des techniques allant de la correction simple de la déviation à l’implantation de prothèses du corps caverneux.

Afin de limiter les risques de récidive et d’augmenter les chances de rémission, le moment opératoire représente un point-clé dans la prise en charge chirurgicale. ■



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